On y va, ami lecteur. J'ai peur car je suis en colère. Pas d'humour ce soir.
J'avais longtemps tergiversé sur le blog de "Fraise des Bois". Je me lance, car je suis toujours sous le choc de mes souvenirs de ce jour.
Que reste-t-il dans ma mémoire ? Cette scène de chasse à courre dans le parc Miterrand.
Dans le parc de la gare Euralille, ce 6 avril 2006, où des policiers traquaient le lycéen. Des groupes d'enfants dans le parc, le long du boulevard, et des policiers aux aguets, comme des chasseurs de bazar. Des gamins de dix-huit ans ! 18 ans, ils sont déjà du gibier en France ! Je ne peux supporter ce souvenir. C'est pourquoi j'écris, pour soulager ma mémoire et partager mon indignation avec toi, ami lecteur.
Vider ma mémoire. Au carrefour de la Madeleine déjà, ce motard de police, esseulé, accélérait dans l'embouteillage, il se rendait sur les lieux, un peu plus loin, radio hurlante. Je me souviens l'avoir vu parquer sa moto là-bas, faire le garde à l'entrée du parc, l'espion même devant la foule, l'avoir entendu rapporter à la radio, et n'avoir rien fait, rien compris, moi la grande gueule, prisonnier du volant, les bébés à l'arrière, sanglés dans leur siège !
Et plus loin ! Quelle image pour Lille, "ville de la Solidarité" ! Allée suivante, cadrée de thuyas, attendait un gauche policier, un pauvre type qui bougeait mal (vous en connaissez tous, de ce genre-là), le sourire béat, attendant la proie de sa bombe à gaz, sa bombe à gaz blanche qu'il tenait en batterie. Ce groupe de huit motards, plus loin, qui se tapaient sur le ventre, en contemplant d'un air gourmant ces palanquées de gosses qui couraient depuis les trottoirs jusque dans le parc, jusque dans la nasse ! Au carrefour d'EuraLille, des cars de CRS bloquaient le carrefour. Sur l'avenue plus loin encore, d'autres cars accourant, sirènes hurlantes, avec un seul convoyeur, grands renforts nécessaires. Pourquoi tant de hâte, tant de fébrilité ?
Faut-il protéger les hommes d'affaires, qui viennent à Euralille pour...leurs affaires ?
En contrebas du pont futuriste, le buste de François Miterrand s'est-il retourné vers l'hallali ? Je ne sais. En vérité, je ne crois pas. Je crois que Miterrand, cette icone, aimait posséder la place du chasseur. Pour quelles proies ? A moins que le souvenir de l'Observatoire, le nez dans la terre, ne l'ai dégouté d'être -lui- la proie.
Il me revient dans la mémoire des associations étranges, et je viens de comprendre mon indignation de Belge devant cette scène. L'association millénaire de ces élites et de ces gagne-petit en uniforme. Les enfants-proies en Belgique. Ces élites que les gamins combattent, et cette pauvre piétaille qui bave de plaisir sur ses affûts. Je sais, moi qui ai travaillé de mes mains, qu'il faut être incapable de travailler correctement pour devenir policier, et gagner honnêtement sa vie par un travail modeste. Tout au moins, pour devenir ce genre de policier-là. Et vous en connaissez tous. Et PERSONNE ne m'empêchera ni de le penser. Ni de le dire. Putain, suis énervé, moi.
Quels liens y a -t-il entre les élites que nous contestons aujourd'hui, ces notables nobles, et les gardiens de cet ordre-là ? Pourquoi paie-t-on les chasseurs ? S'agit-il d'organiser la paix républicaine, pax republicana, ou la chasse ? Un policier doit-il chasser ? Et qui ? Ces gamins sont-ils délinquants à vouloir un avenir ? Que nous soyions dans "les Cités" ou dans la Ville, nos enfants sont-ils des proies ?
Tu sais, ami lecteur, j'ai quitté la Belgique à la suite des Marches Blanches. Et je ne peux supporter cette idée de savoir que mes enfants, nos enfants peuvent ICI devenir des proies. La République doit nous aider.
Je me suis REFUGIE en République. C'est la vérité.
Mais pas pour voir des enfants pourchassés par la police française.
On me dira : et la police ? Sarkozy travaille bien. Il en faut, de la police. Je répondrai : c'est vrai, mais la France mérite mieux. Elle mérite mieux que Sarkozy.
Il ne faut plus de cette police-là, ici et maintenant. Cette police de CRS, cette police de services divers est l'héritière de Vidocq et de Vichy. Oui, tu as bien lu, ami blogonaute, la police française est l'héritière de la police de Vichy, avec son détestable noyau de "sûreté", son idée de protection" (de la Communauté), héritée de la police nazie. Fais des recherches et relis les décrets, mon ami. Cette police qui protège le régime de l'UMP, c'est l'héritière du Gaullisme, de Papon, de Raymon Marcellin, c'est la fiancée de Sarkozy, avec ses services secrets, ses affaires louches et son arbitraire. Une police aux missions floues, avec cette mentalité -vous la connaissez tous- de se savoir "différent" ou "supérieur" aux autres. La République que nous voulons mérite une police digne et responsable, fière de ses moyens et de ses missions républicaines.
La police française de 2006, c'est la police de la violence, des coups tordus et de l'impunité.
Une collègue a vu son fils, la nuit dernière, arrêté et humilié, dénudé et mis à quatre pattes, battu par la BAC. Elle a peur de témoigner. Elle veut écrire anonymement au Procureur. Moi pas. Ca doit changer.
En ce ce moment passent en jugement à Paris des policiers qui ABUSAIENT REGULIEREMENT de prostituées et de leur uniforme. Leur collègues, qui ont eu la CONSCIENCE de les dénoncer, n'ont pas reçu de promotion, bien au contraire.Les temps doivent changer, et la police ne plus être constituée de pauvres diables qui attendent une prébende pour vivre, et pour persécuter leurs propres semblables.
Je veux bien payer des impôts, mais notre famille n'est pas une portée de proies. Nous sommes des citoyens et je veux que mes enfants soient fiers de devenirs policiers. Ce ne pourrait pas être le cas aujourd'hui sans une réforme profonde de la police française.
Qu'en pensez-vous ?
Pierre le Belge de Lille
